« Ma vie était si simple avant, je me levais à la dernière seconde, attrapais au vol café et mascara et hop, un coup sur les cils en guise de maquillage et basta.
J’étais heureuse à l’époque, je me maquillais en 4 secondes et pouvais à loisir attendre les 18 « repeat » du réveil avant d’émerger enfin et de courir après le bus le mascara dans la poche et le xelibri 6 dans l’autre.
Et un jour, au hasard du surf, je tombe ici.
Et depuis, je vis un enfer.
J’ai du jeter tous mes fond de teint qui moisissaient de ne pas servir et en racheter des neufs, j’ai du acheter de la poudre, du blush, de l’anti-cernes et du fard à paupières.
Et désormais je vis un long calvaire matin et soir. Dès que je saisis mon mascara, j’entends Hélène qui gronde dans mon esprit « ça ne sert à rien de se maquiller les yeux si on a pas travaillé le teint avant […] on fait les choses dans l’ordre ou on ne les fait pas », et, terrorisée, je repose mon mascara et je sors mon escadron de pinceaux, fond de teint, blush et consorts pour me faire un teint parfait avant d’oser, enfin, maquiller mes yeux.
Et le soir, quand je vais me coucher et commence à me mettre en boule sous la couette, Hélène résonne encore dans mon esprit, m’enjoignant de me relever tout de suite et de me démaquiller avant de me recoucher. La culpabilité m’envahit doucement mais non, je suis couchée et fatiguée, je me relève pas. Puis quand la pression du remords devient insupportable je bondis hors de mon lit (au grand étonnement de l’Homme qui me lance un regard dubitatif) et me rue dans la salle de bain sur les cotons et mon eau démaquillante, ma crème de nuit et ma lotion.
Je n’ose plus, Hélène me poursuit mentalement de ses menaces de vieillir prématurément, d’avoir le teint gris et des mines de sel si je ne me maquille et démaquille pas soigneusement matin et soir. Et attendez, elle me dit aussi que même le dimanche où je ne suis pas maquillée je dois me démaquiller quand même ! Mais je rêve !
Mais je me résigne et fais.
Elle dictatrise ma salle de bain et ma trousse à maquillage et je me souviens encore avec nostalgie quand j’étais libre.
Libre d’aller travailler le cil mascarisé et le nez luisant, le teint gris et le cerne mauve.
Alors merci Hélène…
Signé : Fantomette »